#10 - PILE OU FACE ?

"Personne ne sait sur quelle face la pièce va tomber, il faut la lancer pour le savoir "

Mes journées commencent toutes comme ça :

Je me réveille, et la pièce est lancée..

Sans autre option, la pièce se lance toute seule, à la vitesse de la roue de la fortune. Et sans autre choix que celui d’ouvrir les yeux, j’essaie de sentir, de pressentir…

Pile… ou Face ?

Comme tout le monde me direz-vous… Pas tout à fait…

Pile :

Mes jambes sont un peu engourdies mais je m’assoie dans le lit sans trop de difficultés, je secoue mes pieds, puis remue mes doigts de pieds un par un pour diminuer le fourmillement.

Je pose ensuite les pieds au sol et je me relève sans trop d’encombres en me tenant au bord du lit pour ne pas perdre l’équilibre. Un petit pas, un deuxième… J’enfile mon bas de pyjama sans tomber et mets mes chaussons sans perdre l’équilibre.

La journée ne commence pas trop mal.

Face :

Mes jambes sont lourdes, j’ai l’impression que le matelas me retient prisonnière, m’engouffre pour me faire suffoquer. Mes paupières refusent de se lever et n’arrêtent pas de se refermer.

J’emploie tout mon courage, toute ma volonté, je remue les bras et je tapote mes jambes pour les

sentir. Je leur montre que je suis là, réveillée, et mon cerveau se retrouve comme dans une bulle de BD :

Au bout d’un certain temps, parfois 5, parfois 30minutes, mes jambes sont moins lourdes et je peux enfin remuer un peu les pieds, les dégourdir pour enlever les fourmillements. Mais je ne suis pas encore prête à m’asseoir, il me faut encore quelques minutes pour que mon esprit comprenne que je peux maintenant m’appuyer sur mes bras sans retomber aussitôt dans le lit.

Je m’assoie donc, et les fourmillements sont toujours là, implacables. Je secoue les jambes, les pieds, les doigts de pieds, tout y passe avant de les poser au sol.

Une fois assise, je m’accroche au bord du lit et essaie de me lever. Echec. Je retombe sur le matelas comme une enfant qui ne tient pas sur ses jambes. J’attends quelques minutes, puis recommence. J’arrive à me mettre debout et me dirige vers mon bas de pyjama. Une jambe, puis l’autre. Cela me prend plus de temps que d’enfiler une combinaison de ski ! Et encore, quand je ne tombe pas.

La journée s’annonce compliquée.

Tout cela pour vous dire que lorsqu’on doit se lever au son du réveil, on réagit tous différemment.

Certains sautent du lit, d’autres repoussent le réveil 5 fois ou d’autres encore l’envoient valser à l’autre bout de la pièce… Chacun son choix.

Avant, j’étais du genre « saute du lit ».

Aujourd’hui, c’est toujours la même rengaine. Pile ou Face ?

Ce n’est pas une question de volonté, pas une question de caprice, de courage ou de détermination. Pas une question de se bouger, de se booster. Je suis résolue à me lever, j’en ai envie, j’en ai besoin, je ne veux pas passer mes journées au lit ! Mais je fais avec les ressources que j’ai à ma disposition. Mon corps et mon esprit.

Et la Sclérose en Plaque* parfois (souvent) m’entraine vers la pièce côté Face. Elle me rappelle chaque jour qu’elle est là, que je dépends de sa volonté, à elle, de bien vouloir me laisser passer une journée « Avec ». Car ,oui, souvent ce Pile ou Face détermine mes journée « Avec » et mes journées « Sans ».

Quand vous vous levez de façon plus ou moins arbitraire, mais sans trop d’encombres, le moral est là, il vous tient, il vous pousse.

Quand la journée commence sur Face, le moral n’est pas facile à maintenir.

Mais ce sont ces mots, ces valeurs… la volonté, le courage, la détermination… qui me poussent malgré tout à me lever, à reprendre des forces et à sourire. Même si je vis une journée pourrie, même si je suis au bord du gouffre, même si je sais que je vais le payer le lendemain en étant encore plus fatiguée.

Pardon, excusez-moi, je vis. A mon rythme, certes (et n’en déplaise à certains).

Mais je fais de mon mieux, et je crois que c’est déjà beaucoup.

*Je rappelle que j’ai une Sclérose En Plaques depuis 1an et 5mois environ. Mais que je suis aussi tombée en dépression suite à la reprise du travail. Conjuguer l’ensemble de mes maux n’est pas d’une évidence folle.

Les deux sujets font partie de moi, et j’essaie chaque jour de les combattre avec mes propres moyens.